Historique et Missions
La variété de ses composantes internes à savoir, la Gendarmerie
territoriale, mobile, aérienne et maritime et la formation subie par son
personnel lui permettent de participer d’une manière efficiente à la
défense du territoire.
Mais préalablement à la présentation détaillée de cette Arme, il serait
judicieux de rappeler brièvement la genèse de sa création, ses
principales missions et les limites de son action.
Aperçu historique Avant le protectorat, le pouvoir de police se
confondait avec le pouvoir administratif. Il n’existait à l’époque
aucun corps constitué de police et la justice était rendue dans la
plupart des cas par les autorités administratives qui disposaient de
quelques agents d’exécution.
Le maintien de l’ordre était assuré par l’armée régulière. Un corps de
Mokhaznis destiné à assurer la police dans les villes, fut créé par la
suite.
Ce n’est que vers 1901, suite à une convention de frontière, signée
entre le Sultan Moulay Hafid et le Gouvernement français, qu’un corps de
police marocaine vit le jour.
Dès 1907, le pays commença à être occupé militairement par la France.
Des troupes, sous le commandement du Maréchal Louis Hubert Lyautey,
avaient, dès 1912 (signature du traité du protectorat), entamé le
processus de la colonisation du Maroc Oriental.
Ce déploiement de forces perdurera jusqu’en 1925. Les troupes étaient
accompagnées d’unités de Gendarmerie articulées en brigades prévôtales,
devenues par la suite ‘‘la Force Publique des Troupes Débarquées’’, qui
se scinda alors en deux arrondissements, celui de Casablanca et celui de
Rabat.
Par ailleurs, la recrudescence de la résistance de la population
marocaine a amené le commandement français à renforcer sa force publique
et c’est ainsi que par décret du 25 avril 1927, cette force a été
transformée en légion de gendarmerie à compter du 01/01/1928. Ayant son
siège à Rabat, celle-ci est divisée en deux compagnies de trois sections
chacune :
la première compagnie à Rabat, pour le Maroc Occidental et la deuxième à Fès, pour le Maroc Oriental.
L’ordonnance du 28 mars 1934, signée à Alger, réorganisera la légion en
trois compagnies : Rabat, Fès et Marrakech coiffant respectivement cinq,
quatre et deux sections.
Il va sans dire que les missions de la Gendarmerie de l’époque
répondaient beaucoup plus au besoin de sécurité des colons français
qu’à celui de la protection des citoyens marocains.
Cette conception sécuritaire a motivé la création de deux autres
compagnies, l’une à Casablanca, en 1950 et l’autre à Oujda, en 1951.
A la veille de l’indépendance, la Gendarmerie dont les activités étaient
peu axées sur la mission de police judiciaire comprenait, cinq
compagnies, quinze sections et cent trois brigades, qui constitueront
l’ossature de la future Gendarmerie Royale marocaine.
C’est ainsi que le 29 avril 1957, la Gendarmerie Royale marocaine est
créée par Dahir(2). Cette création est suivie à partir du 01/01/1958 du
départ progressif des gendarmes français.
L’article 2 du dahir précité fait de la gendarmerie une force publique
chargée de veiller à la sûreté publique, au maintien de l’ordre et à
l’exécution des lois.
Les dispositions de l’article 7 du Dahir sur le service de la
Gendarmerie Royale définissent ses actions directes dans le cadre des
polices administrative, judiciaire et militaire ainsi que son concours
aux différentes autorités compétentes.
La police administrative:
C’est l’ensemble de mesures qui tendent
principalement à prévenir les atteintes à l’ordre public par des
interdictions, réglementations, injonctions : (police de la circulation,
police de l’hygiène etc.…)
Bien qu’elle soit de nature essentiellement préventive, la police
administrative peut avoir à réprimer, à l’aide de la force matérielle
dont elle dispose, notamment en cas d’urgence ou de péril immédiat pour
la sécurité ou la salubrité publique.
Elle peut prendre aussi un tour plus coercitif si l’ordre risque d’être troublé ou si il l’a été.
Cependant, il n’existe pas de code de police administrative, il n’y a
que des textes épars élaborés au fur et à mesure par les différents
titulaires du pouvoir législatif ou réglementaire.
Ces différents textes peuvent être classés selon leurs domaines d’action
publique tels que la sécurité, la salubrité, la tranquilité, la
moralité et la protection de l’environnement.
Les pouvoirs de police administrative appartiennent au Ministère de
l’Intérieur, responsable du maintien de l’ordre. Ces pouvoirs sont
exercés par les Gouverneurs, Pachas, Super Caïds et Caïds, chacun dans
les limites de sa circonscription.
Cependant, l’autorité militaire peut devenir détentrice de tout ou
partie de ces pouvoirs lors de circonstances exceptionnelles ou de la
mise en oeuvre de mesures de défense du territoire national.
Par ailleurs, la compétence dont jouit la Gendarmerie Royale ne se récuse que lorsque d’autres agents assermentés
sont spécialement habilités à l’application de lois particulières, mais
rien n’exempte du devoir de renseigner loyalement et rapidement les
autorités compétentes. Le dahir prescrit aux gendarmes de les informer
dans le cadre de leurs devoirs de
protection générale.
Son action spontanée, sur réquisition ou demande de concours des
diverses autorités, implique pour la Gendarmerie Royale des missions
telles que le contrôle de l’exécution des lois et règlements au profit
des départements ministériels, la
surveillance des personnes et des voies de communication.
Dans le domaine de l’assistance et du secours, la Gendarmerie Royale
joue un rôle important : elle prend quotidiennement part aux opérations
de secours, notamment sur les routes, en mer, en montagne et également
dans le cadre de la mise en oeuvre des plans élaborés par l’autorité
administrative en cas de calamités publiques (Plan ORSEC) ou de
recherche d’avions et de bateaux en détresse (Plan SAR: SATER et SAMAR).
Cette "action continue", comme définie par l’article 8 du Dahir sur le
service de la Gendarmerie Royale, lui impose d’être vigilante et de
multiplier son action préventive de jour comme de nuit sur toute
l’étendue du Royaume.
La police judiciaire :
La police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi
pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs.
Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions.
Par opposition à la police administrative, la police judiciaire se
rattache essentiellement à la répression lorsque la prévention a échoué
et que les atteintes à la loi pénale ont été consommées.
Elle est exercée sous la direction du procureur du Roi et est placée
dans chaque ressort de cour d’appel sous la surveillance du procureur
général du Roi et sous le contrôle de la chambre correctionnelle près la
cour d’appel.
La Gendarmerie Royale joue un rôle important dans le domaine de la
police judiciaire, grâce à la dispersion de ses unités sur le territoire
national, la compétence de ses personnels, les moyens matériels
appropriés mis à leur disposition et surtout les pouvoirs qui leur sont
conférés par la loi. En effet, ces personnels sont tous, suivant le
grade ou la fonction, officiers ou agents de police judiciaire.
En plus de la constatation des infractions à la loi pénale, la Gendarmerie Royale procède à l’exécution des délégations, des
réquisitions judiciaires ainsi que des mandats de justice (d’amener, d’arrêt, etc.)
La police militaire:
La police militaire est dans les attributions du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de l’administration
de la défense nationale. Elle tend à la fois à la prévention (police
militaire générale) et à la répression (police judiciaire militaire).
• La police militaire générale
Elle a pour objet de prévenir le désordre et de maintenir la discipline
dans les différents corps des Forces Armées Royales par la recherche des
absents illégaux, l’exécution de la police des localités occupées par
des troupes en marche, les transfèrements des militaires, la police de
la circulation automobile militaire et la police militaire de garnison.
Basée en grande partie sur l’action constante et générale du
commandement à tous les échelons, la police militaire s’inscrit
spécialement dans les attributions des commandants d’armes délégués, des
commandants d’unités et de la Gendarmerie Royale.
• La police judiciaire militaire
L’Administration de la Défense Nationale est chargée de rechercher
toutes les infractions de la compétence du Tribunal Militaire. Elle
reçoit à cet effet les plaintes ou dénonciations des chefs de corps et
des services.
Elle est assistée pour la recherche des infractions par les officiers de
police judiciaire militaire, tenus de les constater, d’en rassembler
les preuves et d’en faire connaître les coupables.
La Gendarmerie Royale participe activement à la police judiciaire militaire sous ses deux aspects préventif et répressif.
Son action est particulièrement importante dans la recherche des déserteurs et insoumis.
Elle a en outre, le devoir de porter à la connaissance des autorités
militaires compétentes tous les actes ou événements susceptibles de les
intéresser.
Les missions de défense
La Gendarmerie Royale participe en temps
de paix aux missions de défense, en particulier par la recherche et la
transmission des renseignements aux autorités civiles et militaires. Son
champ d’action couvre notamment :
- La préparation de la mobilisation : outre sa propre mobilisation, la
Gendarmerie Royale participe à la préparation de celle des armées par la
classification, la distribution des documents de rappel (ordres d’appel
et réquisitions), la mise à jour des
fiches de mobilisation détenues jusqu’au niveau brigade et par son
concours au service des réserves de l’Etat Major Général des FAR.
- La surveillance et la protection des points sensibles (centrales thermiques, barrages, sites radars…).
En temps de crise ou de guerre, elle prend en charge des missions
particulières de défense venant se rajouter à celles du temps normal.
Ces missions comprennent :
- La mobilisation : mise sur pied de ses propres unités mobilisées et
mise en exécution des mesures de rappel et de mobilisation des Forces
Armées Royales ;
- Les recherches orientées et la diffusion des renseignements en prenant
place, notamment dans les organismes de coordination civilomilitaires;
- Elle fournit auprès des grandes unités en campagne, des détachements
spéciaux appelés ‘‘Prévôtés’’, qui sont chargés d’assurer la police
générale et la police judiciaire militaire ;
- L’intervention au profit de tout point sensible menacé ;
- La participation à l’organisation de la circulation routière, la
défense et la surveillance des réseaux et des voies de communication.
Les limites d’action de la Gendarmerie Royale
Les prérogatives dévolues à la
Gendarmerie Royale prévues par les textes sont importantes. Toutefois,
il faut remarquer que les compétences accordées à cette Arme ne sont pas
transférées ipso facto à chacun de ses membres. D’ailleurs, de
nombreuses dispositions réglementaires et juridiques précisent son champ
d’action et par-là même, en définissent les limites.
Des Forces Armées Royales, la Gendarmerie tient ses traditions et son
éthique ; elle vit dans le cadre fixé par le règlement de discipline
générale et est soumise au code de justice militaire, sauf lors de
l’exercice de la police administrative et judiciaire.
De par leur état militaire, les personnels de la Gendarmerie ont
l’obligation d’exercer tous les actes de leur service en uniforme. Les
missions occultes leur sont interdites et ils ne doivent s’immiscer en
aucune circonstance dans les
questions étrangères à leur service, ni déborder dans leur action ou dans leur appréciation Ils sont par ailleurs
tenus au secret professionnel.
A ces règles s’ajoutent les limites territoriales de compétence qui
peuvent varier avec la fonction exercée par les divers personnels.
Toutefois, les militaires de l’Arme peuvent et doivent, quel que soit le
lieu et dans la mesure du possible, intervenir en qualité d’agents de
police judiciaire ou administrative, voire en qualité de simples agents
de la force publique.
L’application des principes qui viennent d’être énoncés exige donc du
personnel de la Gendarmerie Royale des qualités morales, physiques,
intellectuelles et professionnelles lui permettant d’agir avec
compétence, doigté et sang froid. Celui-ci doit, en outre, faire preuve
d’initiative surtout en l’absence des autorités concernées et lorsque
les circonstances l’exigent.
En somme, la Gendarmerie Royale, en soufflant sa quarante septième
bougie cette année, demeure une force publique au service du citoyen
grâce à ses missions aussi variées que délicates. Cependant, cette Arme
d’élite ne peut remplir entièrement et utilement son mandat qu’en
méritant l’estime et le respect des populations.
Source: (La Revue de la Gendarmerie Royale N° 1 Avril 2003)